Je suis né au sein d’un couple dysfonctionnel. Ma mère avait une vingtaine d’années et mon père dix ans de plus. Je ne les ai jamais vu avoir un geste tendre l’un pour l’autre, ni envers moi d’ailleurs. Mon père avait toujours quelque chose à faire, jamais à la maison. Je n’ai su que plus tard qu’il menait une double vie et avait d’autres enfants. Ma mère était bien trop occupée à dépenser l’argent qu’on n'avait pas. J’ai donc commencé à traîner à des gens peu fréquentables. C’est là que j’ai commencé à boire et à faire des conneries. Puis il y a eu Marnie. Elle était la beauté incarnée. J’en suis tombé fou et on a fini par coucher ensemble plusieurs fois même. On était jeune, on laissait nos hormones prendre le dessus et on ne se protégeait pas toujours. J’avais à peine dix-sept ans quand j’ai appris sa grossesse. Elle était aussi perdue que moi et m’a annoncée que son père était pasteur et qu'il ne lui pardonnerait pas.. On est allé chez moi. Mon père nous avait déjà quittés pour son autre famille depuis des années déjà. Je me trouvais qu’avec ma mère et les hommes qu’elle ramenait chez nous. Quand elle a appris la nouvelle, elle m’a donné une gifle me disant qu’il était hors de question qu’elle paie pour ça et m’a foutue dehors. Je n’ai pris aucune de mes affaires, car c’était elle qui avait tout payer donc de son point vu, ça ne m’appartenait pas. Marnie m'a pris la main et m'a emmené voir son père. Je m'attendais à ce qu'il ait la même réaction que ma mère, mais non. Il l'a sermonné sur le fait qu'elle était trop jeune pour avoir des relations, que nous étions trop jeunes même, puis il m'a demandé ce que je comptais faire. J'ai bafouillé en disant que je voulais prendre soin de Marnie et de notre bébé. Il a souri.
Un an plus tard, me voilà papa et déjà marié, alors que j'ai tout juste dix-huit ans. Le père de Marnie m'a ouvert les yeux, il m'a aidé à trouver le chemin de Dieu. C'est cliché dit comme ça, mais c'est vrai. Je suis devenu croyant, j'ai appris que rien n'arrive par hasard. Nous avons eu un petit garçon qu'on a appelé Ezekiel. Marnie a adoré être maman, être enceinte et nous n'avions pas vingt ans quand elle m'a proposé de devenir parent une seconde fois. Malheureusement, cela n'a pas marché. Elle a fait deux fausses-couches en moins d'un an. Cela a été compliqué pour nous, surtout pour elle, elle avait Zeke et sans lui, elle n'aurait pas surmonté la pente. Moi, j'avais le révérend, qui m'a gentiment proposé de me former pour lui succéder. Puis comme une évidence, un jour en ouvrant la porte, on a vu ce merveilleux enfant. Un petit garçon, Eliakim, il avait environ six mois. Il y avait une lettre disant que sa mère ne pouvait pas s'en occuper, et elle savait que Marnie et moi désirons un autre enfant et qu'elle était sûre qu'avec nous, il serait aimé et protégé. Nous l'avons accueilli chez nous et adopté. C'est grâce à lui que nous sommes devenu famille d'accueil. L'argent du père de Marnie nous a servi à acheter une grande maison et à sa mort j'ai pris la succession de l'église. Nous avons accueilli beaucoup d'enfants, certains quelques mois, d'autres quelques années et quelques-uns que nous avons adoptés. Marnie ne perdait pas espoir de tomber enceinte, même si les médecins lui disaient qu'elle ne pouvait pas, elle priait chaque soir... Puis ses prières ont été entendues, enfin si on peut dire ça. Elle est tombée enceinte d'Eden, notre petite fille, qui malheureusement grandira sans sa mère. Marnie a pris Eden dans ses bras, lui a sourit et elle s'est éteinte suite à une hémorragie. Ce jour-là, j'ai perdu ma femme, l'amour de ma vie, mais j'avais une petite fille et pour elle, et mes autres enfants, je me devais d'être fort. J'ai pensé à tourner le dos à Dieu, mais ce n'est pas ce que ma Marnie voudrait... Alors j'ai continué...
Cela fait maintenant quinze ans, que je suis veuf et papa d'une ado de quinze ans également... Je n'ai plus fait famille d'accueil après la mort de ma femme, je ne pouvais plus, je ne voulais plus. J'ai aidé la paroisse, la communauté et j'ai fait de mon mieux pour être la meilleure version de moi-même pour que Marnie soit fier de moi. J'ai comme elle me l'a suggéré, ouvert mon esprit. D'ailleurs, je n'ai pas forcément eu le choix quand j'ai appris l'homosexualité de mon fils. J'ai été fier de lui qu'il me fasse assez confiance pour m'en parler. Certains sont en désaccord avec ça et quelques-uns ont quitté l'Église, car être homosexuel et fils d'un pasteur est mal vu. Je suis un pasteur qui tient compte de la doctrine de l’Église, mais qui met la personne au centre. Mettre la personne homosexuelle au centre, c’est considérer que l’homosexualité est sa façon à elle d’aimer, et qu’elle mérite d’être considérée et protégée. À chacun son chemin, l’important, c’est ce qui est vécu. Je ne me bats pas pour que l’Église reconnaisse l’homosexualité, mais pour encourager les gens à être eux-mêmes. Et mon fils est lui-même et s'il se sent bien dans sa vie actuelle, c'est le plus important ! Quant à moi, j'ai ce besoin depuis quelque temps de partager la vie avec quelqu'un, d'avoir une personne à mes côtés, d'aimer à nouveau, mais je sais que Dieu mettra quelqu'un sur mon chemin le moment venu.